Dirigeants & Managers, quel est l’intérêt d’un audit de maturité numérique (et Lean) ?

La suspicion d’un audit gadget, qui fait l’affaire des cabinets conseil

Avec la vague de la transformation numérique et son battage médiatique, les offres d’assistance et d’accompagnement ainsi que de solutions se sont multipliées comme les champignons après la pluie. De nombreux cabinets conseils, établis ou nouveaux, ont proposé des audits de maturité préalablement à une transformation numérique. Les décideurs et managers peuvent légitimement se poser la question de l’utilité d’un tel audit.

En effet, certains suspectent qu’il s’agit d’un “gadget” opportuniste que les consultants mettent en avant, flairant un bon filon et souhaitant surfer sur la vague de la transformation numérique. Alors que doit-on penser de l’intérêt d’un audit de maturité numérique ?

D’abord soyons clairs, toute nouveauté, que ce soit une méthode, un concept, aiguise les appétits de tous types de prestataires et dans le consulting plus particulièrement, on voit apparaître des experts de plus de 20 ans d’expérience du jour au lendemain. On a vu ça avec toutes les méthodes japonaises, la qualité totale, la maintenance productive, Lean, Six Sigma et j’en oublie.

Il y a bien des opportunistes qui tentent leur chance d’accéder à une part du gâteau. Ils sont plus ou moins légitimes, raison pour laquelle il faut sélectionner les offres et les prestataires avec attention, mais ceci est valable pour toute prestation, en toute occasion. Ces déviances mises à part, un audit de maturité permet de réaliser un vrai état des lieux et ce n’est pas une prestation gadget.

Un vrai état des lieux

Il y a de nombreux prérequis à une transformation numérique réussie, aussi est-il judicieux de mener un état des lieux préalable, afin d’estimer : 

  • La pertinence du projet en fonction des objectifs stratégiques de l’organisation
  • Si la différence entre numérisation et transformation numérique est bien comprise
  • Le degré de préparation de l’organisation et de ses membres, la prédisposition ou l’aptitude à la transformation
  • Les écarts les plus importants entre la situation actuelle et celle visée
  • L’intensité de l’effort et les moyens nécessaires pour mener la transformation

entre autres.

Il faut également éviter de tomber dans le piège de l’automatisation (ici à comprendre au sens le plus large), l’automatisation de processus défaillants ou inefficients. Car comme l’avait rappelé Bill Gates, “la première règle de toute technologie utilisée dans une entreprise est que l’automatisation appliquée à une opération efficace en amplifiera l’efficacité”. La seconde règle est que “l’automatisation appliquée à une opération inefficace amplifiera l’inefficacité.” Faute de mener cette étude, cet état des lieux préalable, le risque est important de démarrer mal préparé, trop optimiste et sans plan suffisamment élaboré pour mener un projet d’une telle importance.

Le risque sous-évalué de l’illectronisme

Un risque fréquemment sous-évalué en matière de transformation numérique est celui de l’illectronisme. Selon wikipedia, “L’illectronisme est un manque ou une absence totale de connaissances nécessaires à l’utilisation et à la création des ressources électroniques.” C’est un thème que j’ai abordé en détail dans ma vidéo intitulée “Qu’est-ce que l’illectronisme ?”, que je vous invite à visionner ou à revoir.

J’y exposais, entre autres, que l’on a trop facilement tendance à penser, que parce que la majorité des foyers dispose d’un ordinateur ou d’une tablette, et qu’une large part de la population possède un smartphone, on peut en déduire que l’ensemble de la population est à l’aise avec les outils numériques. Or des études dans divers pays et sur de vastes échantillons de populations, ainsi que nos éventuels constats personnels, démentent ce mythe.

J’ai été frappé par le cas d’un jeune homme, qui paramétrait allègrement les smartphones de ses collègues mais était incapable de placer une formule dans Excel. Il exécutait son calcul sur une calculatrice basique puis entrait manuellement le résultat dans une cellule du tableur.

Il serait donc trompeur de se fier à des apparences de maîtrise des outils numériques et penser que ses collègues et collaborateurs disposent de l’aisance suffisante pour lancer une transformation numérique d’ampleur, au niveau de l’entreprise.

Les bonnes raisons d’évaluer sa maturité

Si je reformule, évaluer la maturité numérique de son organisation permet en tout premier lieu de clarifier les termes et concepts qui l’entourent ainsi que de mieux cerner les prérequis au succès d’une transformation numérique. Ce succès tient moins aux outils et aux systèmes installés qu’à leur usage pertinent au service d’une finalité, d’une ambition stratégique.

Dans l’engouement pour le numérique, la confusion est (était ?) fréquente entre la numérisation, c’est-à-dire la mise au format numérique (scanner un document papier par exemple) et la transformation numérique, qui est la reconception des modes de fonctionnements, des processus à l’aide et autour des outils numériques.

Un exemple est la création des processus de commerce électronique, en plus de ceux du commerce traditionnel, qui sont totalement différents et nécessitent des adaptations de l’organisation. La seconde bonne raison d’évaluer sa maturité numérique est de prévenir la tentation du plaquage de technologies sur des processus défaillants ou inadéquats, qui ne pourraient que mener au mieux à des demi-succès et plus certainement à des échecs. La troisième bonne raison est de vérifier l’écart entre l’aisance apparente et perçue des personnels face aux outils numériques, le niveau et l’aisance réels et le niveau de maîtrise requis.

Nombreux sont celles et ceux qui de bonne foi pensent qu’avec la diffusion des smartphones, tablettes et ordinateurs dans les foyers, la population a acquis une réelle culture numérique. Or il s’agit davantage d’une aisance avec certains outils et certaines applications à des fins précises (communiquer sur les réseaux sociaux, commander en ligne…) que d’une véritable culture numérique.

Une autre illusion est le degré de maîtrise des outils communs de la bureautique tels que les tableurs, traitements de texte ou logiciels de présentation, nettement inférieur à ce que l’on pourrait croire et que le télétravail forcé (lors des confinements durant la pandémie du COVID-19) a mis en évidence. En effet, les personnels ayant insuffisamment de maîtrise ne pouvaient plus la masquer en demandant aide et assistance à leurs collègues.

L’évaluation de la maturité numérique permet alors de restituer un état des lieux quant au niveau de maîtrise des outils numériques, de la compréhension de leurs potentiels, de leurs implications, le degré de numérisation des processus et de préparation de l’entreprise, etc. Celle-ci démarre le plus souvent avec l’évaluation de l’intention stratégique numérique et du business model visés par la transformation. En fonction de la maturité évaluée, on déduit l’aptitude ou le degré de préparation de l’organisation, ainsi que le degré de confiance quant au succès d’une transformation numérique.

La combinaison audit de maturité numérique et maturité Lean

Parmi les offres d’audits de maturité proposés, un certain nombre proposent de croiser la maturité numérique et la maturité Lean de l’organisation. Ce n’est pas une astuce pour les cabinets conseil de maintenir leur fond de commerce, lorsqu’ils sont spécialisés dans l’excellence opérationnelle par exemple, mais une sage précaution pour ne pas tomber dans le piège de la règle n°2 énoncée par Bill Gates.

En principe, plus une organisation est mature en matière d’Excellence Opérationnelle, en Lean et plus elle a revu ses processus pour les améliorer et éliminer, ou tout du moins réduire les inefficiences. Si la maturité Lean est faible, il y a probablement peu de sensibilité aux gaspillages, aux erreurs et défauts, à réduire les durées de traitement, etc. Les personnels auront probablement tendance à reproduire dans un contexte numérisé, ce qui se faisait auparavant, sans profiter de l’opportunité pour revoir de manière critique les processus existants.

Les hypothèses autour de ces audits

Les audits de maturité ne font que révéler cela : la maturité de l’organisation par rapport à un référentiel. Il existe de nombreux référentiels et pratiquement chaque organisation, cabinet conseil ou prestataire propose le sien. Attention, maturité ne signifie pas maîtrise, ni surtout performance. Je vous invite à visionner ma vidéo “Lean, maturité, performance, efficacité et efficience” sur cette chaine, pour bien comprendre que l’on peut être mature sans être performant et inversement.

En fait, les audits de maturité sont basés sur l’hypothèse qu’il existe une corrélation positive entre maturité et niveau de performance. Si celle-ci se vérifie à de nombreuses reprises, elle n’est en rien systématique et ne peut être considérée comme une loi générale. Il faut donc retenir qu’un bon score à des audits de maturité ne qualifie pas l’entreprise en termes de performances.


Une brève histoire du Lean selon LEI

(A Brief History of Lean)

Je vous présente, résume et traduit “une brève histoire du Lean” selon le Lean Entreprise Institute (LEI). Le texte original, en anglais, est disponible sur le site du Lean Entreprise Institute.

Cette fresque historique démarre dans les années 1450 pour arriver à nos jours. L’article est relativement court, il occupe une page sur le site Internet de l’Institut, laquelle doit être plus ou moins balayée, en fonction de votre écran.


Les racines du Lean sont suggérées remonter vers 1450 et les “processus de fabrication rigoureux” de l’Arsenal de Venise. On n’en saura pas plus. De l’Arsenal de Venise on saute à Henry Ford, en 1913, et à sa ligne de production sur laquelle on assemble des pièces interchangeables par un travail standardisé et un convoyeur (qui fait avancer le véhicule en cours d’assemblage). La production en flux est née.

Au-delà du concept de chaîne de montage, que l’on retient du modèle de production de Ford, les avancées en termes d’ingénierie de production vont bien plus loin. Chaque fois que possible, Ford a organisé les étapes de fabrication en séquence, utilisant des machines spéciales (des machines dédiées) et de jauges go/no go pour fabriquer et assembler les composants entrant dans le véhicule en quelques minutes. Les pièces parfaitement ajustées sont livrées directement en  bord de ligne.

Cette organisation était une rupture par rapport aux ateliers d’alors, dont les machines  regroupées par processus fabriquaient les pièces, qui finissaient par se retrouver dans des produits finis après de nécessaires ajustements au sous-assemblage et à l’assemblage final.

Le problème avec le système de Ford n’était pas le flux : il était capable de faire tourner les stocks de toute l’entreprise tous les quelques jours. Le problème était plutôt son incapacité à offrir de la variété. Le fameux modèle T n’était pas uniquement limité à une seule couleur, il était également limité à une seule spécification, de sorte que tous les châssis du modèle T étaient essentiellement identiques et ceci jusqu’à la fin de la production en 1926. Il est précisé entre parenthèses que le client avait le choix entre quatre ou cinq styles de carrosseries, celle-ci était ajoutée par des fournisseurs tiers tout à la fin de la chaîne de production. Il semble que pratiquement toutes les machines de la Ford Motor Company travaillaient sur une seule référence de pièce et qu’il n’y avait pratiquement aucun changement de série.

Lorsque les clients souhaitèrent de la variété et des durées de cycles de modèles plus courts que les 19 ans du modèle T, Ford semblait perdu. D’autres constructeurs automobiles ont répondu au besoin de nombreux modèles, disposant chacun avec de nombreuses options, mais avec des systèmes de production dont les étapes de conception et de fabrication ont régressés vers des processus avec des délais de production beaucoup plus longs.

Au fil du temps, ils ont doté leurs ateliers de fabrication de machines de plus en plus imposantes et rapides, réduisant apparemment les coûts par étape du processus, mais augmentant continuellement les délais de production et les stocks, sauf dans de rares cas (tels que les lignes d’usinage de moteurs) dans lesquels toutes les étapes du processus pouvaient être mise en ligne et automatisées.

Pire encore, les délais entre les étapes du processus et les acheminements complexes des pièces nécessitaient des systèmes informatiques de plus en plus sophistiqués, aboutissant aux systèmes informatisés de planification des besoins en matériaux (MRP ou Material Requirements Planning).

Lorsque Kiichiro Toyoda, Taiichi Ohno et d’autres chez Toyota étudièrent cette situation dans les années 1930, et plus intensément juste après la Seconde Guerre mondiale, il leur est apparu qu’une série d’innovations simples pourrait permettre d’assurer plus facilement la continuité du flux de processus et une large variété de produits. Ils ont donc revisité la pensée originale de Ford et ont inventé le système de production Toyota.

Ce système a essentiellement déplacé l’attention des méthodes des machines individuelles et de leur utilisation (comprenez le travail au poste) vers le flux du produit à travers tout le processus. Toyota a conclu qu’en dimensionnant les machines en fonction du volume réel nécessaire, en introduisant des machines auto-surveillées pour garantir la qualité, en mettant les machines en ligne dans la séquence du processus, en expérimentant des changements rapides afin que chaque machine puisse fabriquer de nombreuses références en petits lots et en ayant chaque étape signifiant ses besoins à l’étape précédente, il serait possible d’obtenir à faible coût, une grande variété, une haute qualité et des délais de production très courts pour répondre aux désirs changeants des clients. En outre, la gestion de l’information pourrait être rendue beaucoup plus simple et plus précise.

L’essence du Lean a été décrite en détail dans le livre The Machine That Changed the World (1990) de James P. Womack, Daniel Roos et Daniel T. Jones. Dans un volume ultérieur, Lean Thinking (1996), James P. Womack et Daniel T. Jones ont distillé leurs 5 principes du Lean :

  • Spécifier la valeur souhaitée par le client
  • Identifier la chaîne de valeur de chaque produit fournissant cette valeur et remettre en question toutes les étapes inutiles (généralement neuf sur dix) actuellement nécessaires pour fournir la valeur
  • Laisser le produit progresser en continu à travers les étapes à valeur ajoutée restantes 
  • Introduire un flux tiré entre toutes les étapes où un flux continu n’est pas possible
  • Tendre vers la perfection afin que le nombre d’étapes, la durée et les informations nécessaires pour servir le client diminuent continuellement

Lean aujourd’hui

Au moment d’écrire ces lignes (notez que l’article original n’est pas daté), Toyota, le principal exemple de Lean au monde, est sur le point de devenir le plus grand constructeur automobile au monde en termes de ventes globales. Son succès dominant dans tous les domaines, depuis l’augmentation des ventes et des parts de marché sur tous les marchés mondiaux, sans oublier une nette avance dans la technologie hybride, constitue la meilleure preuve de la puissance d’une entreprise Lean. Ce succès continu a créé au cours des deux dernières décennies une énorme demande pour une meilleure connaissance du Lean Thinking.

Il existe littéralement des centaines de livres et d’articles, sans mentionner des milliers d’articles explorant le sujet, ainsi que de nombreuses autres ressources disponibles pour satisfaire cette demande croissante. Alors que Lean Thinking continue de se répandre dans tous les pays du monde, les promoteurs adaptent également les outils et les principes au-delà de la fabrication, à la logistique et à la distribution, aux services, à la vente au détail, aux métiers de la santé, à la construction, à la maintenance et même aux services gouvernementaux. En effet, les principes et les méthodes Lean commencent seulement aujourd’hui à prendre racines parmi les cadres supérieurs et les dirigeants de tous les secteurs.

Et on termine avec un lien à cliquer pour en apprendre davantage sur Lean.

Quelques remarques personnelles

Je vous livre mes quelques remarques personnelles à cet article.

Si j’avais écrit l’article, je n’aurais pas mentionné l’Arsenal de Venise ou j’aurais un peu développé le sujet. Là on peine à comprendre si les racines du Lean se trouvent là ou quelle est la contribution de l’organisation de l’Arsenal au corpus des méthodes de production. C’est plus troublant que contributif, à mon avis, cela brouille l’introduction sans rien apporter. On peut très bien commencer avec Henry Ford, qui personnifie la production de masse standardisée de l’ère industrielle.

Le résumé qui suit est adapté aux lecteurs pressés qui souhaitent comprendre l’essentiel rapidement.

Le succès de Toyota est dû à son Production System, le TPS, dont Lean est une synthèse et une forme générique. Toyota doit son succès au TPS, pas à Lean. Si l’on admet que Lean est en quelque sorte un sous-ensemble du TPS ou s’il est englobé dans TPS, alors on peut admettre que Toyota est un archétype d’entreprise Lean.

Que Lean ait produit un riche corpus est tout à fait vrai, et comparativement à une autre approche, la Théorie des Contraintes, le nombre de publications librement accessibles a contribué à la popularisation du Lean, alors que la Théorie des Contraintes est restée confidentielle.

La check-list à l’ère numérique

Pour faire suite à un précédent article intitulé L’humble checkliste, un outil pratique ignoré, voire méprisé, voici une réflexion sur la check-list dématérialisée et son usage à l’ère numérique.

Le niveau un de la check-list numérique est, à mon sens, la génération des formulaires avec un tableur tel que Microsoft Excel ou un outil logiciel de type bureautique et la récupération des données en retour. La check-list ainsi créée peut être exploitée directement dans l’application ou imprimée pour une utilisation plus traditionnelle au format papier, puis les données reportées dans un logiciel. C’est le niveau le plus basique, que l’on peut considérer être de la numérisation, et qui dans le cas d’une utilisation papier et ressaisie des données ultérieurement manque de continuité numérique.

Les avantages sont, selon moi : 

  • la maîtrise par les opérationnels
  • la possibilité de créer des formulaires multilingues avec sélection de la langue

Les faiblesses sont le manque de protection contre les modifications (sauf pour des utilisateurs experts) et les pertes de données.

Les avantages sont très limités, car il reste une forte sensibilité aux erreurs lors de la création des formulaires et de la ressaisie. Il y a peu de sécurisation et de services additionnels. On ne peut pas sérieusement envisager un tel système dans le cadre de vérifications ou d’audits réglementaires ou normatifs. Il est acceptable pour une utilisation strictement interne à l’entreprise. 

Pléthore d’offres depuis le hype de la transformation numérique

Depuis le hype de la transformation numérique, de nombreuses entreprises et startups se sont positionnées sur le créneau de la numérisation et de l’apports de solutions pour la transformation numérique. L’offre de solutions de numérisation – plus que de transformation – est pléthorique. Celles-ci, de ce que je perçois, vont d’une numérisation assez limitée à une solution très complète.

Comme on trouve de tout, et j’ajouterais avec un grain de malice n’importe quoi, il convient donc aux intéressés de bien analyser les offres et vérifier si elles sont adaptées à leurs besoins, quelles possibilités d’extension et d’évolutivité elles peuvent offrir, ainsi que leur compatibilité et connectivité avec des systèmes existants.

Hormis les solutions peu sérieuses proposées de manière opportuniste par des développeurs qui ont identifié un bon filon, l’abondance d’offres stimule la concurrence et permet de trouver des solutions très abouties, complètes et qui ouvrent de nouvelles perspectives aux utilisateurs.

Quelques avantages et bénéfices à l’utilisation et l’exploitation

Le passage au numérique intégral permet de contourner les inconvénients de la documentation papier, à savoir les difficultés de mise et maintien à jour des documents, la lisibilité des éléments saisis, les risques de perte de données et le manque de validation des éléments reportés. Avec une solution numérique intégrale, le formulaire est unique, fourni par une source unique. L’utilisateur n’a pas à se poser de question quant à la bonne version à utiliser.

La source peut envoyer le formulaire à un utilisateur désigné ou auquel le système l’affecte, via un planificateur de tâches. On peut proposer un choix de langues, très utile pour les groupes qui disposent de plusieurs entités dans différents pays et standardisent leurs documents.

Le formulaire n’est pas modifiable par l’utilisateur et l’on peut inclure des contraintes pour s’assurer que les actions et données attendues soient bien exécutées et saisies. Par exemple, la progression dans la check-list ne sera pas possible tant qu’un acquittement ou la saisie d’une valeur entre des limites prescrites n’ont pas été entrés. Ceci est plus sécurisant et généralement mieux accepté par les auditeurs externes, comme processus de contrôle et de traçabilité fiable que les seuls relevés manuscrits sur papier. Il y a possibilité de vérifier la validité des saisies et de simplifier les saisies par des éléments à cocher, des choix multiples ou des listes déroulantes.

La lisibilité des éléments saisis ne pose plus de problème avec la solution numérique, comparativement à l’écriture manuscrite sur formulaires papier. Ceci est loin d’être anecdotique, car dans l’industrie pharmaceutique ou agroalimentaire par exemple, il y a énormément de valeurs à relever pour la traçabilité, la sécurité du produit et l’écriture manuscrite peut parfois conduire à des erreurs d’interprétation ou à des doutes. Au point qu’un grand nom de l’industrie pharmaceutique impose un style calligraphique dans ses usines pour éviter ce genre de problèmes. De même avec les valeurs et mentions barrées (en cas d’erreur), qu’il faut expliciter à même le formulaire et signer la rectification.

Dans le cas d’une check-list numérique, une fois les formulaires complétés ou en temps réel durant la saisie, les informations sont remontées vers un système qui peut les reverser dans différents applicatifs, sans nécessiter de ressaisie manuelle. La ressaisie manuelle est non seulement une tâche sans valeur ajoutée, mais une source d’erreurs fréquentes.

L’archivage des résultats se fait en principe automatiquement, avec possibilités de rappeler ces résultats, les comparer, alimenter des statistiques, des tableaux de bord, etc. La validation peut se faire simplement ou via des systèmes plus sophistiqués qui identifient de manière unique le répondant, ce qui vaut signature.

Selon le type de vérification, contrôle ou audit, la check-list numérique peut également déclencher un scoring automatique, s’adapter dynamiquement aux réponses précédentes, inclure des branchements conditionnels, proposer des indications, des solutions, ou statuer sur un résultat. Une telle “app” peut déclencher des alertes, envoyer les résultats sur des messageries, sur des affichages ou encore générer des tickets pour intervention (au service maintenance, par exemple)…

Enfin, bon nombre d’applications permettent d’ajouter des photos, du contenus multimédia, des coordonnées GPS, très utiles pour documenter un sinistre, décrire un problème, etc.

Cette liste d’avantages et bénéfices n’est pas exhaustive et si la solution envisagée n’en offre que certains, ils seront sans nul doute plus nombreux que ceux offerts par un formulaire papier.

Développer soi-même ses documents et apps

Nombre de solutions proposées sur le marché permettent de développer soi-même ses documents et apps, sans que des connaissances en programmation ne soient nécessaires. C’est ce que l’on appelle le no-code ou low-code, des configurations plus que des programmations, qui permettent de choisir des fonctionnalités, de construire l’interface et paramétrer les fonctionnements. Les documents ou “apps” ainsi créées peuvent être, selon les cas, utilisés sur différents terminaux et systèmes : tablettes, smartphones… iOS, d’Android ou encore Windows, voire des configurations mixtes.

Cette possibilité de développement autonome, par des opérationnels, permet non seulement de ne pas surcharger les services informatiques, mais surtout de prendre en compte les demandes, besoins et contraintes des utilisateurs. Les modifications sont également à leur portée, ce qui permet de faire évoluer les documents et apps, de les corriger, etc. La qualité de la solution ainsi “développée” devrait mieux répondre à leurs besoins, tant au niveau du contenu que sur la forme, l’ergonomie souhaitée.

On se retrouve presque avec la même liberté et maîtrise de création qu’avec un Excel, mais avec des outils réellement créés pour les utilisations et les besoins auxquels on cherche à répondre.

Quelles sont les limites de la check-list numérique ?

Dans un souci d’objectivité, explorons les les éventuelles limites de la check-list numérique.

Très sincèrement, face à la version papier, je peine à trouver des inconvénients et des limites à la version numérique. Ceux-ci pourraient plus venir des terminaux utilisés, qui seraient inadaptés au milieu, aux circonstances ou cas d’emploi. Ensuite on peut rétorquer qu’un formulaire papier n’est jamais tombé en panne de batterie ni n’a perdu sa connectivité au réseau. L’utilisation de claviers, physiques ou virtuels, peuvent être un frein à la mention de remarques, que l’on aurait griffonné facilement sur un papier. Mais ce ne sont là que des cas assez marginaux que j’ai pu rencontrer en entreprise.

N’hésitez pas à partager vos avis ou expériences dans les commentaires.

Le renouveau de la check-list ?

Ce format numérique interactif, avec tous les avantages et bénéfices indiqués, est-il de nature à redonner plus d’intérêt à cet outil pratique ignoré, voire méprisé qu’est la check-list ?

Au niveau de l’entreprise, des responsables et des services supports, sans aucun doute. Pour les utilisateurs, la réponse est certainement plus nuancée. Les plus jeunes, familiers des apps, des tablettes et autres terminaux n’auront probablement pas d’appréhension face à ces “nouvelles techniques”. Les plus seniors sont souvent crédités d’une moindre familiarité et davantage d’appréhension face à ce type de solutions, mais il ne s’agit souvent plus d’une idée reçue et perpétuée que d’une vérité systématique.

Les freins sont davantage à craindre au niveau du sentiment d’infantilisation des utilisateurs, par le recours à une check-list, qu’une version numérique ne suffira pas à gommer. La réticence face à ce qui est perçu comme un moyen de flicage, reste également possible, que le moyen soit numérique ou pas. Néanmoins, dans ces deux cas, avec des services additionnels tels que le scoring ou de l’aide interactive en ligne, on s’approche d’une forme d’augmentation de l’opérateur et de gamification.

A condition de bien amener les choses, trouver le bon mix de pédagogie, persuasion et fermeté, je crois personnellement que la numérisation et l’interactivité peuvent conduire au renouveau de la check-list.